Le risque lié à l’exécution d’une ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans un bail commercial
L’insertion d’une clause résolutoire dans un bail commercial est une pratique usitée qui permet au bailleur de rompre la relation contractuelle en cas de manquements graves du preneur à ses obligations.
En effet, l’acquisition de la clause résolutoire permet au bailleur de reprendre possession des lieux et le cas échéant d’effectuer des travaux de réfection ou de remise en état afin de les remettre en location.
Mais lorsque le preneur est défaillant dans le paiement de ses loyers, le bailleur devra obtenir préalablement, une décision de justice constatant l’acquisition de la clause résolutoire et ordonnant l’expulsion de son débiteur.
Cette décision peut être obtenue par l’exercice d’une action au fond qui tranche tous les points du litige.
Pour le bailleur, l’inconvénient de la procédure au fond tient à la longueur des délais de la procédure de mise en état.
C’est pourquoi, certains bailleurs optent souvent pour la procédure de référé pour obtenir l’acquisition de la clause résolutoire.
Cependant, ce choix n’est pas sans inconvénient dans la mesure où le Juge des référés n’est pas compétent pour statuer sur le fond de l’affaire.
En effet, il ressort de l’article 488 du Code de procédure civile que l’ordonnance de référé est une décision provisoire qui n’a pas autorité de la chose jugée au principal, c'est-à-dire sur le fond de l’affaire.
La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises que l’ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire n’a pas autorité de la chose jugée au principal (Cass. Civ. 3e , 14 octobre 1987 n° 85-11407 ; Cass. Civ. 3e , 12 octobre 1994 n° 92-20327 ; Cass. Civ. 3e , 6 mars 1996 n° 93-21122).
Dés lors, le bailleur qui souhaite expulser son preneur défaillant et agit par la voie du référé prend un risque:
- Risque de contestations sérieuses qui peuvent être soulevées par l’adversaire
- Risque d’exécution de l’ordonnance, notamment l’expulsion du locataire.
Comment une ordonnance de référé autorisant l’expulsion d’un locataire défaillant peut se retourner contre le bailleur ?
Lorsque le preneur ne respecte pas les délais de paiement qui lui ont été accordés par ordonnance de référé devenue définitive, les juges du fond ne peuvent lui accorder de nouveaux délais de paiement (Cass. Civ. 3e , 2 avril 2003 n° 01-16834).
En dehors de cette circonstance, le preneur peut contester à nouveau et au principal, l’acquisition de la clause résolutoire, l’expulsion ordonnée en référé et demander des délais de paiement.
Or, si les juges du fond font droit en partie ou en totalité, à la demande du preneur, se pose la question de la responsabilité du bailleur qui a poursuivi l’exécution de la décision de justice provisoire qu’il avait lui-même sollicitée.
Sur le fondement de l’article 1382, la jurisprudence constante considère que l’exécution d’une décision de justice exécutoire à titre provisoire n’a lieu qu’aux risques et périls de celui qui la poursuit, à charge pour lui d’en réparer les conséquences dommageables sans qu’il soit nécessaire de relever une faute à son encontre (Cass. Civ. 2e , 22 janvier 2004 n° 01-00580 ; Cass. Civ. 3e , 10 juillet 2003 n° 01-14778 ; Cass. Civ. 3e , 9 janvier 2003 n° 00-22188).
Dés lors, il est opportun de recourir aux services d’un professionnel habitué au traitement de ces questions.
Franck AZOULAY- Avocat
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