La Responsabilité civile professionnelle du séquestre
Dans le cadre d’une cession de fonds de commerce, le prix de la cession a été confié par le cessionnaire à un professionnel désigné séquestre et sur lequel les créanciers forment une opposition. Dans cette hypothèse, la restitution du prix séquestré est opérée entre leurs mains (Cass. com., 7 janv. 2003 : LPA 12 avr. 2005, n° 72, p. 10). Et cette restitution est effectuée directement entre leurs mains sans l'entremise du cédant puisque la mesure de séquestre n'a pas pour effet de transférer le bien dans le patrimoine du cocontractant du remettant de (Ccass. com., 20 juin 1995).
Ainsi, dans le cas d’une mauvaise exécution du séquestre qui leur causerait préjudice, ces tiers peuvent l'opposer aux parties en agissant en dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
En effet, la responsabilité civile d’un professionnel peut être engagée sur le fondement de la responsabilité délictuelle (article 1382 et 1383 du Code civil), les fautes commises par le séquestre judiciaire et par le séquestre conventionnel dans l'exécution de leurs obligations seraient constitutives de fautes délictuelles aux dires de la Cour de cassation : « Le séquestre qui a commis une faute ayant occasionné directement un dommage doit en répondre même si la victime dispose contre un tiers d'une action consécutive à la situation dommageable née de cette faute » (Cass. 1re civ., 6 avr. 2004, n° 01-14.434).
Par conséquent, une telle action nécessite la réunion, d’une faute du professionnel, d’un préjudice subi par la victime et d’un lien de causalité entre les deux.
La responsabilité du séquestre a déjà été engagée dans l’hypothèse d’une cession de fonds de commerce, en effet, un séquestre qui avait pour mission de ne remettre le prix de vente d’un fonds de commerce au vendeur qu'à l'expiration des délais prescrits par la loi après radiation des privilèges et mainlevée des oppositions pouvant survenir et de procéder à la répartition du prix conformément à la loi, la cour d'appel peut en déduire qu'en remettant les fonds, avant que ne soit prononcée la liquidation des biens du vendeur, entre les mains de celui qui devait être désigné comme le syndic de cette liquidation des biens, sans l'accord de l'acquéreur ou l'autorisation de justice, obligeant ainsi l'acquéreur à payer sur ses propres deniers un créancier inscrit, il avait commis une faute constituant l'unique cause du préjudice subi par ledit acquéreur (Cass. com., 16 juill. 1982 : Gaz. Pal. 1983, 1, somm. p. 23).
De plus, le séquestre doit informer et appeler à la répartition tous les créanciers qui peuvent y prétendre et dont il a connaissance, faute de quoi il engage sa responsabilité délictuelle (Cass. com., 28 avr. 2004, n° 01-12.079, CA Paris, 1re ch., sect. A, 22 mars 2004, n° 2002/11270, JurisData n° 2004-245516). Mais il n'est tenu à réparation que dans les limites du préjudice effectivement subi du fait de l'absence d'information ou d'appel (CA Paris, 22 mars 2004, pré: le créancier omis n'aurait pu recevoir paiement de l'intégralité de sa créance du fait de la présence de créanciers de rang préférable au sien).
Mais surtout, le séquestre répond également de ses erreurs dans la répartition des sommes séquestrées (CA Rouen, 2e ch. com., 16 nov. 2004, Geniteau c/ SCP Freyssinet Gontier Louveau Vanden Driessche : erreur dans l'ordre des privilèges non excusable ni explicable par les accords des créanciers).
Ainsi, la responsabilité civile professionnelle est soumise au droit commun et à la prescription de 5 ans. Ici, le point de départ de l’action en responsabilité court à partir de la manifestation du dommage, donc dans le cas du non-respect de l’ordre des créanciers privilégiés, le créancier lésé peut agir dans un délai de 5 ans à compter du non-paiement de sa créance.
Votre bien dévoué
Franck AZOULAY
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